1 Janvier 2022
ACTIONS DE PREFERENCE (ADP) ET PROCEDURES COLLECTIVES – TWO WORLDS COLLIDED
Notre partenaire Olivier Autier publie sur Linkedin un article plus que pertinent.
#1 - Préambule
Avec un confrère lyonnais avec qui nous collaborons sur différents dossiers de restructuring, nous avons été confrontés, dans le cadre d’une procédure collective, à une problématique plutôt passionnante en lien avec des ADP.
Pour mémoire, l’article L. 228-11 du Code de commerce précise :
« Lors de la constitution de la société ou au cours de son existence, il peut être créé des actions de préférence, avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent. Ces droits sont définis par les statuts et, pour les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation, dans le respect des articles L. 225-122 à L. 225-125.
Le droit de vote peut être aménagé pour un délai déterminé ou déterminable. Il peut être suspendu pour une durée déterminée ou déterminable ou supprimé.
Les actions de préférence sans droit de vote ne peuvent représenter plus de la moitié du capital social, et dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, plus du quart du capital social.
Toute émission ayant pour effet de porter la proportion au-delà de cette limite peut être annulée.
Par dérogation aux articles L. 225-132 et L. 228-91, les actions de préférence auxquelles est attaché un droit limité de participation aux dividendes, aux réserves ou au partage du patrimoine en cas de liquidation sont privées de droit préférentiel de souscription pour toute augmentation de capital en numéraire, sous réserve de stipulations contraires des statuts ».
Pour résumer très sommairement, nous avons été contraints de gérer, pour une société en redressement judiciaire, les conséquences d’une opération d’entrée au capital d’investisseurs par souscription d’ADP au sein de la filiale d’un groupe ; opération qui avait eu lieu avant la mise en redressement judiciaire de la société.
En synthèse, les données étaient les suivantes :
- Au moment de l’opération d’augmentation de capital des investisseurs, la société cumulait plusieurs exercices déficitaires et son endettement était maximal ;
- De façon assez classique, lors de l’opération d’augmentation de capital par souscription d’ADP par les investisseurs, une prime d’émission conséquente a été prévue, prime qui constituait potentiellement une réserve distribuable ;
- Selon la documentation arrêtée entre la société et les investisseurs, l’assiette de calcul du dividende prioritaire, préciputaire, cumulatif et progressif, déconnectée du résultat de la société, était la suivante :
• Année 1 = X1 % de l’investissement réalisé, étant précisé qu’en cas de non-paiement comptant des dividendes, le montant des dividendes était crédité aux comptes courants des associés titulaires d’ADP (les investisseurs) ;
• Année 2 = X2 % de l’investissement réalisé, augmenté des éventuels montants inscrits en compte courant des associés titulaires d’ADP, étant encore précisé qu’en cas de non-paiement comptant des dividendes, le montant du dividende était, encore, crédité aux comptes courants des associés titulaires d’ADP ;
• Etc…
Naturellement le pourcentage (X1, X2, X3, ,..) augmentait significativement d’exercice en exercice , en particulier après le cinquième exercice…
- Les statuts et le pacte d’associés de la société, modifiés à l’occasion de l’entrée au capital de ces investisseurs, était tellement « bien ficelés » qu’il est apparu difficile d’entrevoir quel « risque d’associé » était encouru par les investisseurs qui bénéficiaient :
• Des droits de vote, malgré des droits pécuniaires très avantageux ;
• De sièges pour une durée 6 ans, en leur qualité de titulaires d’ADP au « comité de surveillance » ;
• Du droit d’autoriser de nombreux engagements de la société, au travers du « comité de surveillance » ;
• D’un droit de retrait du capital de la société leur était attribué dont l’exercice se traduisait par l’obligation pour la société mère de la société, à première demande des titulaires des ADP, de racheter lesdites ADP à leur prix de souscription majoré des dividendes capitalisés ;
• D’un droit d’information spécifique ;
• D’un droit d’initier tout audit financier, juridique, fiscal ou social, avec prise en charge par la société des frais correspondants ;
• D’un droit de préemption sur les actions de la société ;
• Classiquement, d’un droit de sortie conjointe en cas de cession des actions ordinaires ;
• D’un dispositif de protection de la trésorerie de la société au travers du gel par sa société mère du passif fournisseur existant à son encontre à la date de l’émission des ADP et ce, pendant toute la période de détention desdites ADP ;
• Pour compléter le tout, les investisseurs bénéficiaient d’un droit d’apporter à la société mère les ADP détenues dans la société, doublé d’un droit de céder lesdites ADP de la société mère à tout acquéreur ;
• D’un droit de préférence dans le capital de la société mère et de la société ;
• D’un droit de répartition préférentielle en cas de cession, de liquidation ou de fusion ;
• Etc …
- Du fait de la prime d’émission particulièrement conséquente, lorsque la société a enregistré de nouvelles pertes, conformément à ses statuts et au pacte d’actionnaires conclus avec les investisseurs, la distribution des dividendes prioritaires a été votée et a donné lieu à un versement sous la forme d’une augmentation du montant inscrit au compte courant de chaque investisseur financier titulaire d’ADP dans les livres de la société ;
- Lors de l’ouverture du redressement judiciaire, les créances en compte courant des investisseurs financiers titulaires d’ADP ont été déclarées par le gestionnaire de fonds, mais en son nom alors que les créanciers étaient les fonds ;
- Toujours dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire, lors de de la préparation de l’Assemblée Générale Ordinaire Annuelle des actionnaires de la société, s’est posée la question de la mise à l’ordre du jour de la résolution relative au versement du dividende prioritaire et préciputaire, ainsi que celle de son caractère étranger ou non à la gestion courante ;
- Enfin, s’est également posée la question de la prise en compte de ce dividende prioritaire et préciputaire en vue de l’élaboration du plan, compte tenu de son impact en termes de trésorerie ou d’endettement.
Au-delà du traitement normal du dossier et de sa gestion propre à toute procédure collective (Vérification du passif, contestations des créances, gestion de la période d’observation, élaboration du plan, …), ce cas d’espèce - transposable à bon nombre de montages au vu des totems et autres publicités sur les « deals » portés à notre connaissance – nous a interpellé et pose de nombreuses questions en terme de disqualification de l’opération d’investissement, de disproportion et de méconnaissance des règles d’ordre public interdisant la stipulation d’intérêts fixes, ainsi que les pactes léonins.
#2 - Possible disqualification du montage
La problématique comptable induite par l’entrée au capital dans le cadre de l’opération existante interpelle et apporte un premier éclairage sur la possible disqualification du montage :
Il convient tout d’abord de noter que le montage parait générer un problème en termes de présentation et de sincérité des comptes – Point non remarqué par les Commissaires aux comptes.
En effet, étant donné son mode de calcul, la mécanique et l’automaticité des dividendes prioritaires et préciputaires ont pour conséquence de créer une « dette future latente », non traduite sur le plan comptable lors de la souscription des ADP.
Pour s’en convaincre, il suffit de constater qu’en l’absence de résultat bénéficiaire (ce qui était le cas depuis plusieurs exercices), la réserve distribuable créée grâce à la prime d’émission était mécaniquement amenée à diminuer chaque année au bénéfice de l’augmentation du compte courant d’associé de chaque titulaire d’ADP et ce, jusqu’à épuisement de cette réserve distribuable.
Or, la mécanique du montage, qui a une incidence classique lorsque le résultat est bénéficiaire, devient problématique quand il ne l’est plus.
Nous voyons venir certains nous objecter que le versement d’un dividende résulte d’une décision prise en assemblée générale et qu’elle est alors traduite en comptabilité.
Nous en voyons d’autres arguer que les actionnaires peuvent toujours refuser de voter une résolution et qu’il n’existe aucune automaticité.
Il s’agit certes d’arguments pertinents.
Toutefois, lorsqu’un pacte et des statuts sont aussi bien ficelés que ceux existants, au vu des conséquences d’un éventuel refus, celui-ci devient très théorique avec comme corolaire une automaticité du dividende. Au cas particulier, cela était d’autant plus vrai que le pacte d’actionnaires conférait aux titulaires d’ADP un contrôle sur l’élaboration des décisions relatives aux distribution des dividendes.
Outre une mécanique susceptible d’affecter la sincérité des comptes, ledit montage nécessitait également de déterminer quelle pouvait être le traitement comptable de la dette latente (correspondant au montant des créances futures induites par le montage) après épuisement de toute réserve distribuable, notamment lors de l’élaboration du plan.
Là encore, certains vont arguer que la réponse réside dans le caractère reportable du dividende prioritaire, ce qui n’est pas totalement faux.
Toutefois, pour ceux qui veulent aller au fond des choses et qui ont accès à la documentation de la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes (CNCC), la lecture de l’analyse des travaux de la Commission des études comptables apporte une autre réponse puisque, dans certains cas et sous certaines conditions, les dividendes prioritaires peuvent présenter la nature d’une dette et doivent être comptabilisés comme tels au passif du bilan consolidé de l’émetteur (Comptes consolidés - Émission d'actions de préférence - Comptabilisation - EC 2014-16 - BU176 - décembre 2014 - p. 642).
Au-delà de la considération comptable qui laisse à penser que les dividendes peuvent parfois avoir la nature d’une dette, plusieurs éléments factuels propres au dossier plaidaient en faveur d’une disqualification juridique de l’opération en faveur d’un prêt.
L’existence d’éléments factuels plaidant en faveur de la possible disqualification du montage en prêt :
Tout d’abord, il est important de souligner que les négociations précontractuelles intervenues en vue de l’augmentation de capital par souscription d’ADP émises par la société portaient essentiellement sur la rémunération des investisseurs, exprimée en TRI, avec communications de simulations de remboursements ; constat de nature à sous-entendre que le montage se rapprochait d’un prêt.
Ensuite, le fait que l’assiette de calcul des dividendes prioritaires ne soit pas dépendante du résultat de la société mais se révèle être calculée en fonction du montant investi, plaidait également en faveur d’une requalification du montage en concours bancaire.
Enfin, l’examen des stipulations des statuts et du pacte d’actionnaires prévoyant notamment un mécanisme de garantie du paiement des dividendes (Notamment la possibilité d’apporter les ADP de la société à sa société mère avec la possibilité de les vendre à des tiers), renforçait la notion d’opération de crédit.
Au vu de ce constat non exhaustif, il n’était pas illégitime de se poser la question d’une possible disqualification par le juge sur le fondement du Code de procédure civile et de la nullité de l’opération d’augmentation de capital sur le fondement du Code de commerce, avec comme corolaire l’inopposabilité des créances en découlant du fait de l’absence de déclaration dans les délais requis.
A cet égard, il convient de relever que de façon assez curieuse, bien que la doctrine envisage une possibilité de disqualification, la jurisprudence sur le sujet est quasi-inexistante… En d’autres termes, en matière d’ADP, c’est un peu comme si les mariages ne donnaient lieu à aucun contentieux de divorce …
Pour autant, le débat mériterait d’être tranché dans la mesure où au-delà du risque que fait peser le service de tels dividendes prioritaires sur la trésorerie de la société et de la possible disqualification du montage, se pose la question d’une éventuelle responsabilité du gestionnaire des fonds investisseurs puisque :
- d’une part son rôle était susceptible d’être assimilé à celui - règlementé - d’un banquier ;
- d’autre part, une faute était susceptible de lui être imputée en sa qualité « d’associé professionnel » compte tenu notamment du caractère ruineux du montage, de même qu’une éventuelle « gestion de fait » eu-égard aux fonctions exercées au sein du « Comité de surveillance » lui donnant les voix lui permettant d’approuver ou de s’opposer à de très nombreux engagements de la société.
#3 - Possible disproportion du montage
Au cas d’espèce, les aménagements statutaires et les avantages particuliers créés au bénéfice des actionnaires titulaires d’ADP étaient particulièrement conséquents (Cf. supra #1).
Ces aménagements statutaires, complétés par les dispositions du pacte d’actionnaires, étaient donc, sans contestation possible, extrêmement favorables aux actionnaires titulaires d’ADP.
En outre, certains mécanismes étaient même de nature à exonérer les actionnaires titulaires d’ADP de tout risque de prise en charge des pertes dans la société́, au travers notamment de l’effet combiné d’un droit de rachat (Clause de sortie forcée) et d’une substitution au versement des dividendes prioritaires par le biais du versement d’une indemnité sur leur compte courant d’actionnaire pour chaque exercice au titre duquel le bénéfice distribuable ne leur aurait pas été payé comptant …
Or, si l’octroi d’avantages particuliers est licite, puisque prévu par l’article L. 228-11 du Code de commerce, il n’en demeure pas moins qu’en raison de son caractère « trop bien ficelé » le montage analysé n’était pas sans poser de sérieux problème à la lumière du principe de proportionnalité́, éternel gardien de la liberté́ contractuelle.
Il était donc, à notre sens, totalement légitime de se poser la question de l’éventuelle nullité du montage sur le fondement de l’article 1169 du Code civil avec, là encore, pour conséquence l’inopposabilité des sommes apportées en capital et des dividendes à la procédure collective du fait de l’absence de déclaration dans les délais requis
#4 - Possible illicéité du montage
L’existence d’une possible stipulation d’intérêts fixes
De façon subsidiaire, le montage auquel nous avons été confrontés apparaissait également se heurter au principe de l’interdiction de la stipulation d’un intérêt fixe prévue par l’article L. 232-15 du Code de commerce.
Sur ce point, il convient de relever que, s’il ne conditionne pas l’entière rémunération d’un actionnaire, le recours à un taux pour déterminer le montant d’un dividende préciputaire ne parait pas incompatible avec l’article L. 232-15 du Code de commerce.
En revanche, lorsque l’assiette du taux est constituée par la valeur nominale de l’action ou par le prix payé par son souscripteur (Valeur nominale augmentée de la prime d’émission) – ce qui était le cas en l’espèce, ce mécanisme constitue une stipulation de taux d’intérêt fixe difficilement compatible avec les dispositions de l’article L. 232-15 du Code de commerce et encourt donc nullité.
En tout état de cause, au cas particulier, force a été de constater :
- Que le montage prévoyait une prime d’émission permettant de servir, sans aucune difficulté, les dividendes préciputaires attachés aux ADP pendant les 6 premiers exercices ;
- Que le pacte d’actionnaires conférait aux titulaires d’ADP un contrôle sur l’élaboration des décisions relatives aux distribution des dividendes ;
- Que la progressivité du taux permettant de calculer le montant annuel des dividendes attachés au ADP augmentait fortement à compter de la 6ème année, étant rappelé que du fait du caractère cumulatif du dividende, cette particularité avait une incidence sur le calcul du prix de rachat des ADP prévu contractuellement.
Au vu de ce qui précède, la sortie programmée des actionnaires titulaires d’ADP au cinquième anniversaire telle qu’organisée par les mécanismes du pacte (Taux progressif, capitalisation, distribution de la réserve libre), leur assurait le versement d’un dividende, couvert par le compte de prime d’émission, au moyen d’une rémunération fixe de X1 %, X2 %. .., assise sur le montant initial de l’investissement, révisé́ annuellement pour tenir compte de la capitalisation des intérêts acquis, ce qui parait constituer une incompatibilité́ avec les dispositions de l’article L. 213-15 du Code de commerce, prohibant l’intérêt fixe.
D’ailleurs et ce n’est probablement pas une coïncidence, cette échéance de 5 années correspond à celle de la défiscalisation de certains investissements (notamment les véhicules de défiscalisation qui doivent pouvoir rembourser les porteurs de parts des FIP à partir du 31 décembre de la cinquième année suivant l’année de souscription).
Au-delà de la possible nullité de la clause sur le fondement de l’article L. 213-15 du Code de commerce, ce point n’est pas inintéressant dans le cadre d’un redressement judiciaire puisque l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale de la résolution portant sur le versement de dividendes élevés réservé aux seuls titulaires d’ADP paraissait relever d’un acte étranger à la gestion courante et devoir être autorisé par le Juge commissaire, qui rappelons-le, doit consentir son autorisation, pendant la période de redressement judiciaire, à toute opération qui ne relève pas de la gestion courante.
L’existence d’un caractère léonin
Au-delà de la question de licéité de la stipulation d’intérêt fixe, découlait nécessairement une interrogation sur le caractère léonin du montage organisé par les statuts et le pacte d’actionnaires.
En effet, si des engagements profitant à des titulaires d’ADP ont pour effet de les dispenser de leur participation aux pertes pour les exercices déficitaires, tout en assurant une rémunération de leurs apports quel que soit le résultat de l'exploitation, ils se heurtent alors à l'article 1844-1 du Code civil qui prohibe les clauses léonines.
En d’autres termes, les statuts d’une société ne doivent pas permettre à un actionnaire d'être totalement affranchi de toute contribution aux éventuelles pertes sociétaires ou d'être exclu de toute participation aux bénéfices, de même qu'il est encore interdit de réserver tous les bénéfices – ou toutes les pertes – à un seul actionnaire.
Or, en l’espèce, en vertu des stipulations du pacte d’actionnaires, la société était tenue de soumettre tout projet de décision relative à la distribution des dividendes à l’autorisation préalable du « Comité́ de surveillance », statuant à la majorité́, étant par ailleurs précisé que ledit comité comportait au moins 50 % de représentants parmi les investisseurs financiers, lesquels contrôlaient par conséquent les modalités de distribution des dividendes puisqu’ils pouvaient décider de leur mise en paiement ou de leur capitalisation – stipulation pour le moins léonine.
En outre, le mécanisme indemnitaire du montage apparaissait problématique au regard de la prohibition des pactes léonins, mais pas que...
En effet :
- Le mécanisme de l’indemnité consistait à offrir aux titulaires d’ADP la possibilité́, pour chaque exercice, d’obliger la société mère de la société à verser une indemnité́ permettant de contourner les difficultés que rencontrerait la société pour verser les dividendes, en raison de l’impossibilité́ financière dans laquelle elle se trouverait.
Par ce biais, les titulaires d’ADP avaient ainsi la certitude de faire naitre un droit de créance à la charge de la société mère afin de compenser l’absence de versement de dividendes par la société, sa filiale ; stipulation au caractère manifestement léonin qui, de surcroit, était susceptible de se heurter à la règle de l’interdiction de paiement de toute dette antérieure puisque la société mère bénéficiait de l’ouverture d’un redressement judiciaire (Notamment mais pas seulement, car issue d’un engagement - le pacte d’actionnaires - antérieur à l’ouverture de la date de redressement judiciaire, sauf à considérer qu’il s’agit d’une dette postérieure audit redressement judiciaire.
- Pire encore, dans l’hypothèse où l’indemnité́ ne serait pas versée par la société mère, il était prévu que l’intégralité́ des dividendes attachés aux ADP – pourtant non mis en distribution - soit capitalisé en compte courant rémunéré de la société et payé au moment du rachat des ADP.
- Enfin, en l’absence de dividendes et de paiement de l’indemnité́ par la société mère, ou en cas de redressement judiciaire de la société émettrice d’ADP, sa filiale, les titulaires d’ADP avaient la possibilité́ d’échanger leurs ADP détenues dans la société contre de nouvelles ADP à émettre par la société mère, tout en faisant prendre en charge par ladite société mère le paiement du compte courant détenu par eux dans la société, filiale, au titre des dividendes capitalisés ; échange n'étant pas sans poser problème lorsque tant la société mère que la société fille ont bénéficié d’ouvertures d’un redressement judiciaire.
Ainsi, à force de vouloir protéger les investisseur, la mécanique indemnitaire mise en place, en période d’endettement maximum, revenait en définitive, à substituer un dividende préciputaire n’ayant pas d’existence et donc à contourner l’interdiction de distribuer des dividendes fictifs (Cf. article L. 232-12 du Code de commerce).
Confrontée à l’exigence des procédures collectives, cette mécanique indemnitaire à la nature contestable se heurtait à une pluralité d’interdictions et de contraintes.
#5 - Conclusion
Les gestionnaires de fonds, les professionnels du M&A et ceux intervenant dans le cadre des procédures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises devraient s’intéresser de plus près à l’aspect juridique des montages financiers existants et en particulier aux ADP.
En effet, conçus dès l’origine puis améliorés au fil des années pour protéger les investisseurs, de plus en plus et, de mieux en mieux, bon nombre de modèles de statuts, particulièrement de SAS et de pactes d’actionnaires « bien ficelés » sont potentiellement devenus dangereux pour ceux qu’ils étaient censés protéger.
Au vu des recherches effectuées sur la base des informations publiées ici et là, il y a lieu de constater que de nombreuses opérations réalisées paraissent être exposées.
Or, ces montages intrinsèquement contestables sont susceptibles de devenir de véritables bombes à retardement pour les investisseurs ayant investis dans les sociétés lorsqu’elles deviennent soumises aux procédures collectives.
Au cas particulier, les problématiques juridiques que soulevaient le montage auquel nous avons été confrontés n’ont pas été tranchées par une juridiction car un accord de sortie des investisseurs a été trouvé sous l’égide du Président du Tribunal de commerce.
Ce résultat hautement satisfaisant a été rendu possible grâce à un travail d’équipe et au soutien des divers intervenants qui ont pour la plupart compris les problématiques juridiques mais aussi mesuré les enjeux financiers conditionnant la survie du groupe concerné.
Je tiens donc par la présente à remercier :
- Notre client qui nous a fait confiance, car sans confiance rien n’est possible ;
- Mon excellent confrère lyonnais pour la qualité de son analyse et l’échange intellectuel de haut niveau que nous avons eu. Sans lui, il n’aurait pas été possible de disséquer cette problématique complexe ;
- Maître Henri LARMARAUD du Cabinet Clevery Avocats pour son aide précieuse lors de la négociation et ses apports dans l’analyse du dossier ;
- Monsieur Didier VALETTE, Directeur du Master droit des affaires - Gestion juridique et fiscale de l'entreprise (GEFIRE) - Université Clermont Auvergne pour le travail extrêmement conséquent qu’il a réalisé, les problématiques juridiques qu’il a mis en lumière en complément de celles que nous avions découvertes et la pertinence de ses avis juridiques ;
- Maitre Vincent GLADEL et Maître Virginie DESFORGES, Administrateurs Judiciaire du Cabinet Gladel & Associés, pour avoir immédiatement compris les enjeux juridiques pourtant complexes et leurs incidences financières en termes de survie du groupe qu’ils administraient ;
- Monsieur le Procureur de la République, pour le temps qu’il a passé à nous écouter et à analyser le dossier, mais aussi pour son soutien sans faille au nom de la défense de l’ordre publique économique.
Au-delà du possible est une devise à laquelle je suis particulièrement attaché. Au cas particulier, elle prend tout son sens, car nous ne pensions ni être confronté à une telle problématique ni arriver à un tel résultat quand nous avons accepté la mission qui nous a été proposée.
Merci également aux lecteurs de ces quelques lignes pour le temps que vous avez pris pour me lire. J’espère que cette problématique vous aura autant passionnée que moi.
Me Olivier AUTIER – Avocat - OA LAW
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