Dura Lex, Sed Lex - Prêts bancaires et procédures collectives : réflexions sur l'application ou non de majoration du taux de base ou de pénalités

Dura Lex, Sed Lex - Prêts bancaires et procédures collectives : réflexions sur l'application ou non de majoration du taux de base ou de pénalités

1 Octobre 2024

Dura Lex, Sed Lex - Prêts bancaires et procédures collectives : réflexions sur l’application ou non de majoration du taux de base ou de pénalités

Un article paru sur Linkedin de notre partenaire en M&A et Restructuring, Olivier Autier de OA Law

Préambule

À la suite de divers échanges avec des professionnels du restructuring, je me suis aperçu que ma pratique sur ce sujet, ainsi que celle des différents confrères dont je suis proche, étaient une exception.

Lorsqu’une entreprise se trouve en sauvegarde ou en redressement judiciaire, une des questions qui se pose de manière récurrente – pour ne pas dire systématique - est celle de la validité des clauses contractuelles prévoyant l’application de frais, pénalités et/ou de majoration du taux d’intérêt en cas de retard de paiement, notamment pour les prêts bancaires à plus d’un an.

Or, malgré un cadre légal et des jurisprudences qui conduisent à exclure l’application de ces frais, pénalités et/ou majorations, en raison notamment, du caractère d'ordre public de certaines dispositions encadrant les procédures collectives, force est de constater que bon nombre d’établissement bancaires continuent à les inclure, de manière plus ou moins apparente, dans leurs déclarations de créances.

En outre, contrairement à ce que je pensais, nombreux sont les praticiens et organes des procédures collectives qui n'y prêtent que trop rarement attention.

Certes, à une époque où les taux étaient relativement bas, l’incidence financière de ces frais, pénalités et/ou majorations était mesurée.

Cette question était alors souvent négligée au vu du coût que peut représenter une contestation de créance avec renvoi au fond.

Néanmoins, avec la hausse rapide et vertigineuse des taux d’intérêts, ce point doit à mon sens être regardé avec grande attention et ce d’autant plus que la rupture d’égalité des créanciers qui en résulte en termes de désintéressement n’en est - mathématiquement - que plus forte.

Afin d’explorer ce vaste sujet le plus clairement possible, il me parait utile de distinguer le non-paiement des échéances de prêt antérieurement à l’ouverture d’une procédure collective de l’interdiction de payer une créance antérieure postérieurement à l’ouverture d’une sauvegarde ou d’un redressement judiciaire.

A – Réflexions sur le régime juridique applicable aux échéances de prêt non payées antérieurement à l’ouverture d’une procédure collective.

I) De l’application du contrat :

Antérieurement à l’ouverture d’une procédure collective, en cas de non-paiement des échéances d’un prêt, sauf disposition contraire à l’ordre public, rien de parait s’opposer à l’application du contrat.

Dès lors, l’application des frais, pénalités et/ou majorations du taux contractuel de base prévus contractuellement paraissent devoir s’appliquer en cas de retard de paiement du débiteur.

II) De l’existence de limites :

Il n’apparait pas inutile de souligner que l’application de frais, pénalités et/ou majorations du taux contractuel de base, en cas de retard de paiement, peut se heurter classiquement à des exceptions ou à des tempéraments, notamment mais pas limitativement sous l’angle :

  • De la disproportion : Je rappelle à cet égard que la réforme du droit des contrats a consacré une nouvelle limite au droit à l’exécution forcée reconnu au créancier en matière contractuelle et que l’article 1221 du Code civil prévoit désormais que « Le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier » ;
  • Du régime des clauses pénales : Tout juriste connait à cet égard la possibilité pour le juge de considérer qu’une clause prévoyant l’application de frais, pénalités et/ou majorations du taux contractuel de base pour retard de paiement, peut être qualifiée de « clause pénale », laquelle est alors susceptible d’être réduite judiciairement lorsqu’elle est jugée excessive ou abusive.

L’objet de la présente réflexion n’étant pas de traiter les dispositions de droit commun, je ne développerai pas de manière plus détaillée ces points.

En effet, l’essentiel de la présente réflexion est ailleurs, à savoir tenter de déterminer si l’application de ces frais, pénalités et/ou majorations du taux contractuel de base pour retard de paiement perdure postérieurement à l’ouverture d’une procédure collective.

B – Réflexions sur le régime juridique applicable aux échéances de prêt non payées antérieurement à l’ouverture d’une procédure collective et aux échéances dont le paiement devient interdit du fait de cette ouverture.

I) De l'effet général du redressement judiciaire sur les créances antérieures :

Comme tous les praticiens des procédures collectives le savent, une procédure de sauvegarde ou de redressement ne doit pas conduire à une aggravation mécanique de passif.

En effet, un redressement (ou une sauvegarde), aux termes de l'article L 631-1 du Code de Commerce « est destiné à permettre la poursuite de l'activité de l’entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif ».

Cette disposition d'ordre public est claire : une telle procédure (ou de sauvegarde) doit nécessairement conduire à faciliter la survie de l'entreprise.

En aucun cas elle ne permet d'aggraver d'une quelconque manière sa situation financière.

C’est notamment pourquoi :

  • L’amortissement des prêts souscrits est interrompu provisoirement par l’ouverture de la procédure de redressement (ou de sauvegarde), conformément aux dispositions de l’article L. 622-7 du Code de commerce, auquel renvoi l’article L. 631-14 du même Code.
  • L’article L 622-13 du Code de commerce, auquel renvoi également l’article L. 631-14 du même Code dispose : « Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde. Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif ».

En d’autres termes, cela signifie que toutes les créances, y compris celles relatives à des prêts bancaires, sont suspendues, empêchant les créanciers de réclamer le paiement des dettes et des pénalités liées aux retards de paiement en lien avec la procédure collective ouverte, tant que ladite procédure est en cours.

En effet, à compter de l’ouverture d’une procédure collective, le non-paiement des échéances de prêt (Qu’il s’agisse de celles exigibles antérieurement, le cas échéant augmentées des pénalités contractuelles ou encore de celle exigibles postérieurement) :

  • ne procèdent pas d’une inexécution contractuelle,
  • mais de la nécessité pour le débiteur, comme pour le créancier, de respecter une disposition d’ordre public.

Vu sous un autre angle, l’application en redressement judiciaire ou en sauvegarde, de clauses contractuelles prévoyant des frais, pénalités et/ou majorations du taux contractuel de base pour retard de paiement reviendrait à sanctionner – au travers de l’application d’un contrat - un débiteur ce, en considération du seul fait qu’il se doit de respecter une interdiction - d’ordre public - de payer une créance antérieure.

La question de la licéité des clauses qui n’excluraient pas l’application de tels frais, pénalités et/ou majorations du taux contractuel de base pour retard de paiement en cas de procédure collective, se pose donc pleinement, notamment au visa de l’article 1162 du Code civil qui précise : « Le contrat ne peut déroger à l'ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties ».

II) De l'application de l’alinéa 8 du point I de l’ancien article L. 441-6 du Code de commerce et du nouvel article L. 441-10 dudit Code :

L’alinéa 8 du point I de l’ancien article L. 441-6 du Code de commerce – qui concernait les relations commerciales - stipulait que les retards de paiement pouvaient donner lieu à des pénalités contractuelles, mais prévoyait une exception : « Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. Toutefois, le créancier ne peut invoquer le bénéfice de ces indemnités lorsque l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire interdit le paiement à son échéance de la créance qui lui est due ».

Ces dispositions là encore d’ordre public étaient évidemment applicables aux établissements de crédits.

A cet égard, l’avis de la Commission d'Examen des Pratiques Commerciales (CEPC - Avis n°15-19), seule autorité compétente en la matière, était clair : « L’article L 313-2 prend place dans un cadre général qui renvoie aux opérations de crédits. Le Code monétaire et financier dispose dans son article L313-1 que « constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne ou prend, dans l'intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu'un aval, un cautionnement, ou une garantie. Sont assimilés à des opérations de crédit le crédit-bail, et, de manière générale, toute opération de location assortie d'une option d'achat ».  Il n’existe aucune contradiction avec l’article L 441-6 du Code de commerce qui vise le recouvrement de créances et qui reste de ce fait seul applicable dans le cadre de la présente saisine. Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 26 mars 2015, présidée par Monsieur Daniel TRICOT »

Cet avis avait mis un terme aux débats doctrinaux cités par certaines banques.

Il en résultait que les pénalités de retard ne pouvaient pas être appliquées aux créances antérieures à l’ouverture d’une procédure collective.

Cela signifiait en d’autres termes que toute tentative d’appliquer des frais, pénalités et/ou majorations du taux contractuel de base était nulle en période de redressement judiciaire ou de sauvegarde.

Certains vont probablement arguer du fait que l’article L. 441-6 du Code de commerce a été modifié par l’ordonnance 2019-359 du 24 avril 2019…

Certes, certes…

Néanmoins, la disposition précitée a été reprise en intégralité au point II de l’article L. 441-10 du Code de commerce : « (…) Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. Toutefois, le créancier ne peut invoquer le bénéfice de ces indemnités lorsque l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire interdit le paiement à son échéance de la créance qui lui est due ».

Il résulte de ce qui précède que, malgré la clarification - qui date de près d’une dizaine d’années - bon nombre d’établissements bancaires et organismes financiers continuent de déclarer leurs créances ce, parfois en ne détaillant pas explicitement le mode de calcul de leurs intérêts, de sorte qu’il est souvent impossible de connaître ce qu’elles envisagent de réclamer.

Trop souvent, par une opacité déclarative, des établissements bancaires ou des organismes financiers tentent d’obtenir un profit indu en sollicitant à posteriori divers montants à échoir qui aggravent les obligations du débiteur du seul fait de sa procédure collective.

Au travers de mentions « Mémoire », « Taux Majoration de Retard : X,XXXX », bon nombre de créanciers financiers essayent d’obtenir à posteriori le paiement de sommes qui s’apparentent à des « frais de recouvrement » générés par l’ouverture de la procédure de redressement ou de sauvegarde du débiteur.

Pour autant, un tel procédé était et demeure à mon sens prohibé, que ce soit en raison de l’interdiction de paiements prévue à l’article L. 622-7 du Code de commerce, de l’obligation qui pèse sur tout créancier de déclarer sa créance de façon conforme ou même en raison du nécessaire respect des délais de paiements prévus au plan de redressement.

III) Des difficultés nées de l’interprétation qui avait été faite de l’article L. 622,28 du Code de commerce.

Si l’on comprend aisément la résistance des établissements bancaires et financiers à continuer de déclarer des frais, pénalités et/ou majorations du taux contractuel de base pour retard de paiement ce, pour des considérations d’ordre économique évidentes, il faut dire que la jurisprudence n’a pas été d’un grand secours pendant un temps…

Un arrêt, rendu au visa de l’alinéa 1 de l’article L. 622-28 du Code de commerce est d’ailleurs souvent mis en avant par ces établissements (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 2 juillet 2013, 12-22.284 12-22.285 12-22.286 12-22.287, Publié au bulletin) : « Mais attendu, d'une part, que l'exception à la règle de l'arrêt du cours des intérêts, édictée à l'article L. 622-28, alinéa 1er, du code de commerce en faveur de ceux résultant de contrats de prêts conclus pour une durée égale ou supérieure à un an, vise, aux termes mêmes de ce texte, tous intérêts, sans en exclure les intérêts de retard prévus par ces conventions ; que la clause pénale prévoyant leur calcul à un taux supérieur à celui du prêt s'applique, sous réserve de l'exercice du pouvoir de modération du juge, même en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard de l'emprunteur, à moins que cette clause de majoration n'aggrave sa situation qu'en cas d'ouverture d'une procédure collective ; qu'ayant retenu que la clause litigieuse sanctionnait tout retard de paiement, ce dont il résulte qu'elle concernait tout débiteur, qu'il soit ou non soumis à une procédure collective, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle ne portait pas atteinte à l'égalité entre créanciers dans une procédure de sauvegarde ; »

Certes, l’article L. 622-28 du Code de commerce, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016 précise : « Le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus ».

Certes, la Haute juridiction a admis - en 2013, soit il y a plus de 10 années - la majoration des taux d’intérêts.

Pour autant :

  • d’une part cette décision n’a été rendue qu’au visa du seul article L. 622-28 du Code de commerce ;
  • d’autre part, la question de l’application ou non de l’ensemble des dispositions ci-dessus évoquées n’a pas été posée à la Cour de cassation.

Or quand l’on présente aux juridictions la problématique en invoquant ces dispositions, il arrive de plus en plus fréquemment qu’elles adoptent un autre point de vue.

Tel a été notamment le cas :

  • de la Cour d’appel de Lyon (Cour d’appel de Lyon, 15 juin 2017, R.G. 16/06332 – Arrêt postérieur à la jurisprudence de la Cour de Cassation précitée) : Dans cet arrêt, la Cour d’appel a confirmé l’interdiction de toute majoration de taux pour retard de paiement en période de redressement judiciaire. La banque avait en effet tenté d’imposer une majoration d’intérêt contractuellement prévue pour retard de paiement, mais la Cour a jugé que cette majoration était inapplicable en raison du gel des créances antérieures imposé par la procédure de redressement judiciaire.
  • de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence (Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2 juin 2022, R.G. 18/12480) : « Il n'est pas contesté que la société X n'était pas défaillante à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective, toutes les échéances ayant été honorées jusqu'à cette date, et que le remboursement des échéances du prêt s'est trouvé suspendu du fait de l'interdiction de paiement des dettes antérieures posé par l'article L. 622-7 du code de commerce. Il s'en déduit que l'application des clauses prévoyant une indemnité de recouvrement de 7% ainsi qu'une majoration contractuelle de 2 points résulte de l'ouverture de la procédure collective. Ces clauses, qui aggravent les obligations du débiteur en mettant à sa charge des frais supplémentaires du seul fait de sa mise en redressement judiciaire, sont manifestement abusives. C'est donc à juste titre que le juge commissaire les a écartées ».

Au vu de ces décisions et de l’impact que sont susceptibles d’avoir les frais, pénalités et/ou majorations du taux contractuel de base pour retard de paiement, sur les entreprises fragilisées au point de devoir solliciter la protection des tribunaux, ne pas soumettre cette question aux juges de la procédure constitue un oubli un tantinet fâcheux, sans compter qu’en cas d’échec, il est toujours possible de solliciter la modération par le juge au titre du régime des clauses pénales.

C – Réflexions sur les acteurs susceptible de soulever cette problématique.

Ainsi que cela a été précédemment exposé, la lutte contre l’application de frais, pénalités et/ou majorations du taux contractuel de base pour retard de paiement a pour origine une disposition d’ordre public…

I) Du rôle des avocats des débiteurs :

Mes confrères, praticiens des procédures collectives ou candides en la matière, ne doivent naturellement pas oublier de tenter d’invoquer cette problématique lorsqu’ils assistent un débiteur en procédure.

II) Du rôle des mandataires judiciaires :

Les règles encadrant la suspension des créances antérieures dans le cadre d’un redressement judiciaire relèvent de l’ordre public.

En tant que telles, elles s’imposent à toutes les parties, y compris les créanciers, et leur application ne peut être contournée par des dispositions contractuelles.

Or, les mandataires judiciaires disposent d’un droit propre à la contestation des créances déclarées.

A ce titre, ils peuvent contester les déclarations de créances qui incluraient des frais, pénalités et/ou majorations du taux contractuel de base pour retard de paiement et, ce faisant, saisir le juge-commissaire pour contester toute créance ou clause abusive qui viendrait aggraver la dette de l’entreprise en procédure au préjudice des autres créanciers.

III) Du rôle des juges commissaires :

Le juge-commissaire, en tant « qu’arbitre » des créances et garant de la procédure, a également la possibilité d’invoquer d’office la nullité d’une majoration contractuelle ce, même si les parties en cause ne soulèvent pas cet argument.

En effet, la nature d'ordre public des règles de sauvegarde ou de redressement judiciaire permet au juge de s’assurer que les créanciers respectent les dispositions d’ordre public et n’appliquent pas de sanctions financières indues contre l’entreprise en difficulté.

C’est ici un point essentiel pour assurer l’équilibre entre les créanciers et protéger l’entreprise dans cette phase critique.

IV) Du rôle des parquets :

Les procureurs sont par nature, des garants de l’ordre public.

Or, il est fréquent qu’ils interviennent au cours des procédures collectives.

Dans ce cadre, il ne parait pas incongru qu’ils puissent – s’ils m’estiment nécessaire – rappeler l’importance de respecter les dispositions d’ordre public et donc, le cas échéant l’interdiction des majorations contractuelles et des pénalités.

V) Du rôle des juges lors de l’homologation des plans :

S’agissant de dispositions d’ordre public – susceptibles d’être soulevés d’office par tout magistrat - les juges chargés de statuer sur l’homologation d’un plan de redressement ou de sauvegarde peuvent bien entendu imposer le respect des taux contractuel de base et interdire l’application de toute majoration d’intérêt pour retard de paiement.

A cet égard, je rappelle qu’un plan de redressement ou de sauvegarde vise à permettre à l’entreprise de rembourser ses dettes dans des conditions viables.

De ce point de vue, imposer des pénalités ou des majorations d’intérêt parait contraire à cet objectif, car cela revient à alourdir – du fait de la procédure collective - les charges financières de l’entreprise et est même susceptible de compromettre sa capacité à se redresser.

Ainsi, si la reprise de l’amortissement des prêts bancaires est prévue dans un plan, les juges peuvent à mon sens préciser dans leur décision d’homologation que les conditions de remboursement devront être conformes aux conditions contractuelles initiales, sans majoration et ce, même si le débiteur ne le sollicite pas.

En effet, le respect d’une disposition d’ordre publique peut être soulevée d’office par les juges devant statuer sur l’homologation d’un plan. Ces derniers disposent ainsi d’un pouvoir autonome pour imposer un taux d’intérêt non majoré lors de la reprise des paiements.

Là encore, l’objectif est juste de permettre à l’entreprise de respecter ses engagements tout en assurant une répartition équitable entre les créanciers.

Vi) Du rôle des commissaires à l’exécution des plans

La question du rôle que serait susceptible d'avoir un commissaire à l’exécution d’un plan est plus complexe en ce sens qu’il se doit d'appliquer des décisions ayant été prises antérieurement à sa désignation.

Néanmoins, s’il estime que la décision est insuffisamment précise et ne permet pas de savoir s’il y a lieu de prendre en compte le taux de base ou un taux contractuel de base majoré dans le calcul des intérêts, il lui est toujours possible de solliciter la juridiction ayant arrêté le plan dans le cadre d’une requête en interprétation.

Conclusion

L’application de frais, pénalités et/ou majorations du taux contractuel de base pour retard de paiement en cas d’ouverture d’une procédure collective me parait être contraire à des dispositions d’ordre public.

Certes, mon raisonnement est peut-être perfectible.

Néanmoins, je vous le livre en l’état et le soumet à votre contradiction.

En tout état de cause, la question est importante pour tous les praticiens des procédures collectives car l’application de taux majorés et/ou de pénalités est aujourd’hui de nature à compromettre la viabilité du redressement de bon nombre d’entreprises en difficulté ce, au préjudice des débiteurs de plus en plus nombreux et de leurs créanciers.

Merci de m’avoir lu.


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